INVESTISSEZ SOLIDAIRE pour le logement des personnes en difficulté

Bernard Devert Cc
Edito de Bernard Devert

Agir pour abolir les morts sociales

« Faut-il comprendre que la Société consent à se dérober face à la crise du mal-logement. Nombreux sont ceux découragés par une situation qui ne dure que depuis trop longtemps. Il est vrai qu’elle est mal nommée, d’une crise on en sort alors que, depuis de très nombreuses décennies, force est d’observer qu’elle s’aggrave. »

Découvrez l’édito de Bernard Devert.


Publié le 29 octobre 2025

Faut-il comprendre que la Société consent à se dérober face à la crise du mal-logement. Nombreux sont ceux découragés par une situation qui ne dure que depuis trop longtemps. Il est vrai qu’elle est mal nommée, d’une crise on en sort alors que, depuis de très nombreuses décennies, force est d’observer qu’elle s’aggrave.

Certes, dans des moments très éphémères marqués par le grand froid ou l’extrême chaleur, l’armure du cœur craque jusqu’à laisser entendre un furtif frisson d’émotions, accompagné d’une éphémère culpabilisation.

Difficile pourtant de ne pas voir la détresse de nos semblables, des enfants, des femmes et des hommes qui n’ont aucune place, sauf celle des trottoirs, les arches des ponts, des tentes ou la recherche de squats et cette résignation de consentir à des abris indignes qui tuent l’estime de soi.

Cette « crise » ne fait surgir aucun effroi, le silence des habitués pour ne plus voir qu’elle met les plus pauvres à proximité de ces « guillotines » qui fauchent les vies. Des milliers de morts, comme le rappelle le dispositif « Morts de la rue », ou ces centaines de milliers d’autres qui subissent une mort sociale.

Ce drame et cette injustice « cognent » l’avenir. A perdurer ainsi, les valeurs de notre Société vacillent.

Robert Badinter a trouvé, non sans combattre, une majorité au sein des Hémicycles pour abolir la peine de mort, soulignant fort justement que la Société grandit quand elle donne vie à l’avenir, jusqu’à penser que même les bourreaux peuvent changer.

Quand il s’agit des justes, dont la seule faute est d’être vulnérable, il n’y aurait donc personne pour abolir la cause de la mort sociale !

Qu’est-ce que le logement, un patrimoine ; il est aussi un droit et une protection. Ces trois éléments sont traversés par un cruel manque qui fait naître une rupture, plus encore un abîme, mettant à mal la cohésion sociale.

Oui, il y a urgence de bâtir avec des financements adaptés un habitat digne afin de faciliter l’accès à un logement abordable. Ce droit a fait l’objet d’une avancée juridique majeure avec le DALO, un droit opposable, voté le 5 mars 2007, fruit de l’engagement du Haut Comité pour le Logement des Personnes Défavorisées avec des personnalités qui l’ont singulièrement honoré, Paul Bouchet, Xavier Emmanuelli et Bernard Lacharme.

Or, 18 ans plus tard, l’Etat est toujours condamné à des indemnités, faute de pouvoir garantir ce droit. Est-il nécessaire de rappeler la situation de 3 millions de foyers en attente d’un toit décent et en cohérence avec leurs ressources.

Que de personnes, exerçant des métiers dits essentiels, obligées de rechercher un logement loin de leur lieu professionnel, se disent qu’elles ne sont essentielles que pour le temps de leur travail.

La reconnaissance donne naissance à une citoyenneté partagée.

Cette protection nécessaire, qu’est le logement, n’est pas seulement négligée, elle est refusée, trahissant une obligation morale et même juridique du devoir d’assistance à personne en danger.

Le mal-logement est le syndrome d’une perte spirituelle, au sens le plus large du terme.

L’heure n’est surtout pas de se lamenter. Il s’agit de regarder en face et avec lucidité la situation et de faire face.

 

Trois propositions, une bonne nouvelle pour sortir de cette crise :

  • Bâtir avec un aménagement adapté sur des friches, sachant que plus de 2 500 hectares sont disponibles en Région Ile-de-France, là où la situation est la plus cruciale pour les personnes en attente d’un logement,

 

  • Mobiliser l’épargne privée : plus de 2 100 milliards sont actuellement investis en placement liquides, numéraires et dépôts. Une part substantielle ne pourrait-elle pas être mobilisable dans le cadre d’un investissement en direction des plus fragiles, pour autant que l’habitat fasse l’objet d’un amortissement fiscal significatif.
    Aucune aberration dans cette approche, le marché du logement quand il ne bénéficie pas de béquilles s’effondre. Les plus pauvres en sont les premières victimes.

 

  • Réduire la vacance des logements : 400 000 en Ile-de-France et les grandes Métropoles.Ce projet, présenté en juin par Habitat et Humanisme lors de l’Université de la Ville de Demain, sous l’égide de la Fondation Palladio, a fait l’objet d’une attention de grands acteurs de l’immobilier.
    L’économie sociale et solidaire est déterminée à y prendre part, d’où notre requête auprès des élus pour que les foncières solidaires, relevant du statut SIEG, continuent à bénéficier du taux de 25 % de la réduction d’impôts au 1er janvier 2026, alors que le PLF envisage de le réduire à 18 %.
    Il serait heureux que ce taux soit porté à 30 %, comme envisagé pour les entités relevant de l’IR-PME-ESUS.

 

Ces trois propositions, qui induisent un partenariat public-privé, relèvent d’un droit à vivre pour que les plus fragiles n’en soient pas écartés.

Laissons les idéologies, les phrases toutes faites pour se mobiliser au service de la fraternité qui introduit une réflexion sur la place que nous voulons donner à l’argent : un maître ou un serviteur.

L’interrogation conduit à un pas de côté. Cessant de dénoncer pour préférer énoncer des propositions crédibles, fussent-elles difficiles, l’esprit alors « prend la main » sur l’orientation de la finance pour ne point se laisser guider par elle.

L’argent, mis à sa place, commence à devenir, ce qu’il doit être, un serviteur.

Bernard Devert
Octobre 2025

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